Je me permet de vous faire partager le souci de Marc Jancovici, lu il y a quelque temps dans planete Terra et dans le Nouvel Observateur, et qui ne quitte pas mes pensées, raison pour moi d'être chez les VERTS:
"3 ans pour changer
Si nous ne faisons rien de significatif dans les trois ans qui viennent, le passif supplémentaire que nous allons prendre sur les épaules risque d’être extrêmement lourd. Les échelles de temps devant nous sont très courtes, notamment en ce qui concerne l’approvisionnement en pétrole.
La fin du Pétrole
La production devrait rester à peu près stable pendant 10 à 15 ans, et puis elle va se mettre à décroître significativement. Et comme toutes les énergies de substitution sont globalement plus chères que le pétrole, et/ou posent des problèmes majeurs pour fournir une offre en quantité équivalente, on va se retrouver dans un monde où l’approvisionnement énergétique va devenir de plus en plus contraint. Or, l’énergie est à la base de toutes les transformations du monde qui nous entoure, et donc de toutes les activités économiques. Dire que nous allons peut-être connaître une époque où toutes les transformations physiques seront freinées, c’est dire que, d’ici peu, l’évolution structurelle du pouvoir d’achat pourrait fort bien être de baisser.
Même si nous commencons à prendre le problème à bras le corps tout de suite, nous n’éviterons pas une partie de la claque. C’est très clair. Mais plus vite on s’y mettra, moins il y aura de malentendus et plus la stabilité politique aura de chance de se maintenir.
Parce que si nous n’imprimons pas une direction très forte au monde dans les quelques années qui viennent, les conséquences du problème risquent de dynamiter les institutions.
Le véritable enjeu est là. Une crise des ressources pourrait avoir raison de beaucoup de choses que nous considérons aujourd’hui comme acquises pour l’éternité, dont la démocratie, la paix… Personnellement, je ne suis pas très pressé de vivre l’expérience !
Il est temps d’avoir extrêmement peur. Nous avons tous bien rigolé jusqu’ici, mais à « crédit environnemental ». Maintenant il va falloir commencer à payer la facture. Et plus nous attendons, et plus elle va être lourde.
Les échanges physiques vont être globalement freinés parce que l’énergie facile va devenir difficile d’accès. Nos infrastructures sont construites sur le modèle d’un monde où l’énergie ne vaut rien. Pour nous affranchir de cette énergie facile, il va falloir détricoter une bonne partie de ce schéma. D’abord, dans un monde où l’énergie est plus difficile d’accès, il y aura probablement moins d’emplois de bureaux, contrairement à une idée courante. Avec moins d’emplois dans les villes, la valeur du foncier va baisser, en particulier en périphérie : cela n’intéressera personne d’acheter un logement là où il y a moins de travail qu’avant. Il va donc falloir mettre des centaines de milliards par an sur la table pour modifier les villes, probablement en supprimant une partie des banlieues actuelles, et refaire autrement les infrastructures et les logements. Il faut aussi organiser la migration intérieure des gens qui n’auront plus d’emploi de bureau ici mais pourront en avoir un « de production » là.
Tout cela signifie qu’il a beaucoup de choses à faire dans le domaine du bâtiment et des infrastructures. Du coup, il va aussi falloir toucher aux métiers, et mettre des dizaines de milliards sur la table pour qu’une partie des employés urbains deviennent plombiers, maçons, forestiers, artisans vanniers, agriculteurs, éleveurs de chèvres, bref ce qu’on veut pourvu que ce ne soit pas un emploi où l’on manipule juste de l’information. Il va donc falloir changer tout le système éducatif conçu pour garantir l’université pour tous dans un monde à l’énergie facile, parce que les machines ont supprimé les emplois d’artisan, d’ouvrier et d’agriculteur. Aujourd’hui, être maçon, c’est la honte, il faut au moins avoir fait Sciences-Po ! Sauf qu’avec une énergie devenue plus difficile d’accès, il y aura de moins en moins de jobs à donner à ceux qui ont fait des études universitaires pour occuper un emploi de bureau. Et il va bien falloir qu’ils fassent autre chose. Nous proposons aussi de mettre, dans tous les endroits où se prennent des décisions, des conseillers aux affaires physiques. Ils auraient un solide bagage physique et seraient capables de dire : "nous sommes désolés, mais votre plan, il ne passe pas faute de ressources suffisantes. Il ferait faillite."
(Quand je lis dans la presse) « on a encore quarante ans de pétrole devant nous ». (Et que je sais que) cette affirmation confond la date du maximum de production et le stock restant. (Je me dis que) cela ne prendrait pas de place de rectifier cette erreur répandue et qui va se payer très cher puisque nous avons en pratique 35 ans de moins que ce que nous croyons pour nous préparer à un immense chambardement."
A propos du même ouvrage dans le nouvel observateur...
Si nous y allons au canon, c'est parce qu'il faut se faire entendre. Nous n'avons plus le temps d'attendre ! L'échéance de la mutation énergétique n'est pas à l'horizon du demi-siècle ! Dans les trois à cinq ans à venir, il faut que nous soyons en ordre de bataille.
Sortant de soixante ans de paix et de croissance économique (sauf rares accidents), nous ne réalisons pas à quel point notre système socio-économique est menacé par l'inaction.
Sans dessein et sans un minimum de volontarisme partagé, nos institutions ne résisteront pas aux menaces à venir. La dépression économique trouve son origine dans la raréfaction des énergies fossiles. Depuis 1970, la chronologie est troublante : chaque forte hausse du prix du pétrole a été suivie d'une récession. La crise récente a été précédée par six ans de hausse quasi ininterrompue, ce qui a progressivement freiné toute l'économie. C'est normal, l'énergie est par définition l'unité de transformation du monde : sa hausse rapide freine les transformations physiques, et donc l'économie. Les entreprises et les ménages ont alors de plus en plus de mal à rembourser leurs crédits.
De surcroît, les banquiers ont amplifié le problème en titrisant les encours de prêts, ce qui a permis de repousser la crise en prêtant plus longtemps, mais au prix d'une explosion plus violente à terme. Sans modifications structurelles, notamment sur l'énergie, à coup sûr tout se reproduira, en pire. Que ceux qui se réjouissent aujourd'hui de la baisse du prix de l'or noir se souviennent qu'elle survient le plus souvent en période de récession...
3 ans pour changer !!!
Ce que nous allons faire pendant les trois ans qui viennent sera crucial pour le maintien d'un monde en paix. Les experts pétroliers affirment aujourd'hui que l'offre a atteint un maximum (ou le sera prochainement) et les compagnies pétrolières sont les seules à savoir combien le sous-sol renferme de pétrole : nous ferions bien de les écouter. Christophe de Margerie, le PDG de Total, multiplie les déclarations sur un plafonnement de la production d'ici à 2015 sous les 95 millions de barils par jour. Shell considère que le scénario «continuer sans rien changer» CONDUIT A UNE SITUATION INGERABLE AVANT 2020.
Le pic de production a d'ailleurs DEJA été ATTEINT PAR PLUSIEURS PAYS ((Etats-Unis, Venezuela, Indonésie, Russie, Mexique...) et en mer du Nord. L'Arabie Saoudite, tout premier producteur mondial, vit peut-être le sien actuellement.
Quant aux découvertes au large du Brésil, en Alaska ou ailleurs, elles sont dérisoires au regard de ce que nous consommons chaque jour. Nous ne pourrons pas tout faire en trois ans, mais il est impératif de définir très vite une stratégie claire pour piloter le changement.
A défaut de changer de modèle, on risque le retour au Moyen Age.
Mais la mère des batailles se joue sur le terrain de la consommation, à commencer par les bâtiments et le transport, qui absorbent 70% de l'énergie consommée.
Là, il faut se mettre au régime et donner un signal fort afin d'inciter les gens à adapter leur comportement. Il faut par ailleurs de l'argent pour former les artisans à la rénovation thermique ou aider les familles qui devront migrer sur le territoire, en quittant les zones périurbaines pour aller vers les campagnes ou des villes denses repensées. Un chantier colossal !
L'étalement périurbain est condamné à la ruine sous sa forme actuelle. L'automobile accessible à tous et la ter - tiarisation des emplois (marque des pays riches, gros consommateurs d'énergie) ont permis cet écartèlement géographique entre domicile, hypermarché et travail. Avec une énergie raréfiée et/ou hors de prix, c'est le chaos garanti.
En revanche, l'agriculture de demain aura besoin de plus de bras dans un monde moins énergivore. Mais rassurez-vous, il est peu probable que l'on revienne sur les acquis technologiques, comme ceux par exemple qui facilitent les communications.
Simplement, nous devrons abandonner l'idée d'acheter de plus en plus d'objets toujours plus périssables, voitures et téléphones compris. Pour le reste, en quoi vivre en démocratie et en paix, dans un logement isolé, avec un emploi axé sur la baisse de la consommation de ressources, en mangeant plus de poulet et moins de boeuf relève-t-il d'une régression majeure ?
Il faut la décroissance...
On peut créer de l'emploi même sans croissance : il suffit que la productivité baisse. C'est inacceptable dans un monde infini, que nous croyons être le nôtre, mais c'est acceptable dans un monde fini, dès lors que l'on a un projet, une vision.
Source in Manicore
Jean-Marc Jancovici entretien à propos de son livre "C'est maintenant ! 3 ans pour sauver le monde".
dimanche 29 mars 2009
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